Canon EF 35-80mm f/4-5.6
Canon EF 35-80mm f/4-5.6 (Ou : récupérer ses anciens objectifs est-il toujours un "bon plan" ? )
Lors d'échanges de terrain, de stages, sur des foums Internet, ou via e-mail, une question revient assez souvent : est-il interessant de récupérer les anciens objectifs employés sur un boitier Canon EOS argentique ? Les test de certains objectifs sur ce site pourraient inciter à le penser. En effet, de nombreuses références sont excellentes (85mm f/1.8, 70-200 f/4 L ...) et d'autres tout à fait interessantes comme par exemple l'EF 28-105 f/3.5 - 4.5 ( en version "USM" ou "Ultrasonic" s'entend ) Toutefois, étendre ce constat à l'ensemble des objectifs EF commercialisés depuis l'apparition du système "EOS" serait, à coup sûr, une grosse source de déconvenues, certains modèles conçus avec un cahier des charges précis lors de leur commercialisation, ne répondent en rien aux nécessités des boitiers numériques (et pour cause, ils n'existaient pas !). C'est le cas, en règle générale les objectifs bon marchés et bien souvent livré en kit avec des appareils photo argentique d'entrée de gamme. D'ailleurs, je ne suis pas le seul à le dire, puisque dans un excellent article, Volker GILBERT ( www.questionsphoto.com ) attaque le sujet via le test d'un 28-70, qu'il trouve de bonne facture, et termine son article par :
Aussi est-il souvent recommandé pour commencer à peu de frais d'oublier certains modèles et de privilegier le 18-55 fourni en kit, qui offre déja de très belles possibilités, et dont le niveau qualitatif à sérieusement augmenté depuis quelques années (formules optiques plus soignées, présence de stabilisateurs optiques...). Toutefois, force est de constater qu'il reste des doutes sur le bien fondé de cette suggestion, malgré de nombreuses mises en garde. Partant du principe qu'une démonstration, fusse par l'absurde ( car ce qui va suivre n'a guère de sens ) est une excellente façons de lever le doute ( et de rigoler un bon coup ), j'ai tenté une union hautement saugrenue. Jugez plutôt : tout un ensemble d'appareils photo reflex numériques de la gamme Canon, (dont certains tenant le haut du panier) couplé avec un des zooms les plus bas en gamme de l'ére argentique : le Canon EF 35-80mm f/4-5.6. Qu'espérer d'un assemblage aussi invraisemblable ? Est-ce que celà sera pire que prévu ? Asseyez vous confortablement, bouclez votre ceinture, et parés non pas à décoller, mais à plonger !
Il a fallu, dans un premier temps, se procurer l'indispensable engin. Certaines références avaient retenu mon attention pour cette démonstration de choc. Malheureusement, un petit tour sur un site d'annonces célebre à mis en lumière certaines difficultés que je n'avais pas envisagé de prime abord : si les candidats ne manquaient pas, ils etaient souvent affichés à des tarifs proprement stupéfiants (pour ne pas dire prohibitifs ! ), et accompagnés de descriptifs saugrenus vantant des qualités voir donnant dans le "professionel" faisant passer comparativement un 35mm série "L" pour une sombre breloque.
Bref, ne boudons pas notre plaisir pour autant, et faisons sans délais le tour du proprietaire : Notre objectif, en ronce de pétrole de premier choix et tout de noir vétu, est de poids et encombrement comparable, grosso modo, à un EF-S 18-55 3.5-5.6 I et II.
Sa qualité d'assemblage est également similaire : on en a pour son argent avec, n'en deplaise aux puristes, un niveau plus que satisfaisant. Magré celà, force est de reconnaitre que le plaisir "qualité perçue" et "tactile" tournent aux alentours du néant. La bague de changement de focales est gainée sur 30 mm d'un relief caoutchouteux de bonne facture, compensant la totale absence de bague de mise au point manuelle. Cette dernière reste bien entendu possible possible via rotation du groupe frontal, ce qui necessite de saisir une proéminence lisse située au bout de ce dernier une fois l'auto-focus mis hors service par un interrupteur.
Ce dernier reussit ( sur l'exemplaire testé ) un véritable concentré de défauts rendant sa manipulation déplorable : petit, lisse, glissant, et plutôt raide. Quand au moteur de mise au point, inutile de s'étendre sur sa vélocité fort limitée, compensée par un niveau sonore bien présent. Une relative précision peut être obtenue dans la majorité des cas, au prix toutefois de nombre d'hésitations saccadées suivant les conditions et sujets. Un filetage est présent sur la partie frontale de Ø 52mm pour permettre de visser filtres et autres. Il est à noter que le groupe frontal tourne pendant la mise au point, rendant toute utilisation de filtres polarisant ou à effets désagréable au possible, et qu'aucune encoche pour pare-soleil n'est présente sur cette version (d'autres plus "récentes" en disposent semble t'il).
Bon, et sur le terrain ? Qu'est-ce que ça donne ?
Il est a noter que cet objectif, monté sur un reflex numerique APS-C, présente une plage d'utilisation sans grand interêt. (pour ne pas dire aucun) En effet, il se comporte comme un équivalent 55 - 130mm. Encore un plaidoyer pour le 18-55mm "du kit", qui lui, offre une vraie plage interessante. Il sera toutefois testé également dans cette configuration. Point positif : la monture EF est conforme (avec les produits de la marque s'entend) à son excellente réputation : cet objectif à été testé au niveau compatibilité sur tout ce qui m'est tombé sur la main, de stock ou de prêt : 350D, 450D, 550D , 20D, 40D, 5D, 5D MkII... Rien à signaler, il à fonctionné sans aucun soucis tant sur le plan mise au point que commande du diaphragme. Cerise sur le gâteau, la référence complète de l''objectif est transmises aux données EXIF des photos, et les boitiers dotés de certaines fonctions avançées le reconnaissent par son nom dans les menus.
Toutefois (et c'est bien compréhensible vu l'âge et la position de cet objectif) aucune correction de quelque nature, que ce soit sur le boitier ou sous le logiciel maison Digital Photo Pro, n'est disponible (vignetage, distorsion ...). Dans un même registre, aucune communication de la distance de mise au point n'est transmise. Passons à l'image. Pour le piqué, c'est, à mon avis, au dessus des à-prioris que j'en avais et autres sombres pronostics.
Les aberrations chromatiques, voir aberrations tout court.. sont bien présentes ( avec une nature variable dont il serait vain de faire le détail exhaustif ici) suivant la focale et l'ouverture employée. La distorsion est marquée, barillet 35mm / coussinet 80mm , avec un peu de répit à 50 mm, ça reste ultra classique, et notre 35-80 s'en sort pas plus mal que d'autres. Le vignetage, prononcé sur toute la plage focale (a l'exeption de la plage située entre 49.9 et 50.1 mm et entre f/8 et f/8 ou le phénomène est discret) sur APS-C, se résorbe -un peu- en fermant le diaphragme. En général, le passage d'APS-C à 24x36 amplifie le phénomène. Ce qui à lieu ici, et pire, car celà tourne même au grand délire. Demonstration :
Vous avez bien lu la légende sous la photo ... f/8 ! inutile de préciser que c'est pire quand on ouvre le diaphragme. Il convient également de signaler que l'image ci dessus à du être sur-exposée de 2/3 de diaph's pour en sortir quelque chose de plus ou moins présentable. Le phénomène est également présent aux plus longues focales. Sur ces derniers, en forme d'humour bien entendu, voyons un avantage pour certains sujet : pas besoin de HDR, de correction logicielle, de filtre ou autre numéro de claquettes de quelque nature si vous cadrez en vertical , vous pourrez exposer votre sujet au centre plus ou moins correctement, sans brûler la neige au sol, et sans dégager le ciel ! La transmission du contraste est parfaitement catastrophique, et ce, y compris dans des situations ou les conditions idéales sont réunies. Pour la photo illustrant le vignetage, il faut savoir que notre sujet etait illuminé d'un honnête coucher de soleil légérement voilé.Donc, dans le cadre d'un paysage par exemple, une image "claquante" visuellement sera convertie en tons (presque) pastels. De par la même, une image prise dans des situations moins avantageuses conduira impitoyablement à quelque chose de peu présentable. La résistance aux lumières parasite (flare) est une "agréable surprise". En effet, j'ai souvent eu du mal à illustrer et caracteriser le phénomène sur la plupart des tests présents et à venir, rendant necessaire de forcer outre-mesure le trait via des méthodes sans rapport avec "la vraie vie de terrain". C'etait sans compter sur le 35-80mm et sa remarquable coopération qui m'a , osons le dire, facilité superbement la tâche, et il à suffit d'un petit soleil à 40 ° pour obtenir des résultats du plus gracieux effet :
Renforcé par l'absence de pare-soleil d'origine faute de monture adéquate, le phénomène s'est illustré de lui même naturellement, et perceptible même dans le plus petit des viseurs disponible. Nous sommes d'accord, restons en là... la démonstration est faite : cet objectif n'est que physiquement compatible avec un EOS récent, et pas besoin d'être un puriste pour se rendre compte que sa conception est définitivement inadaptée aux boitiers numériques.
Le bilan de ce 35-80mm est lourd de défauts. Il convient de le relativiser tout de même. Ce test ( et surtout son contexte ) qui peut paraître globalement "stupide", nul et non avenu, n'a pour but que d'éviter de grandes deceptions auprès de nouveaux acquereurs de boitiers numériques qui penseraient avoir un interêt à se priver d'un objectif "du kit" au profit de ce modèle, fort répandu ou qui commettraient l'erreur de placer quelque espoir dans un achat d'occasion... Car soyons clairs, pour faire une analogie, ce serait comme employer des pneumatiques d'entrée de gamme des années 1980 sur une voiture récente. Vous ne tireriez aucun bénéfice de sa nouvelle technologie, et obtiendrez un résultat graveleux au possible. Il en est de même avec ce zoom d'un autre âge et aux prestations déja modestes (sic) à son "époque". En dépit de situations de prise de vue classiques mais avec un contexte favorable, le résultat à oscillé entre le passable et le médiocre, qu'il ai été employé un reflex numérique de 10 ans avec une résolution raisonnable, ou un modèle récent sur-pixellisés haut de gamme. Si votre budget est limité : Sur APS-C, préferez lui sans aucune retenue le "18-55 du kit" ou une référence plus fréquentable que ce 30-80mm. Dans le cas des boitiers à capteur 24x36, et du fait qu'il se trouvent désormais d'excellents modèles à des tarifs accessibles d'occasion, rien ne dois vous inciter, - sous aucun prétexte autre que l'amusement, de courte durée... - à dépenser un fifrelin dans ce modèle. Privilégiez alors un 50mm f/1.8 II, ou si vous avez besoin d'un zoom, envisagez comme précisé plus haut certains modèles comme le 28-105 f/3.5-4.5 USM. Jugez plutôt sur cette photo déja vue plus haut, prise dans des conditions sensiblement identiques : ouverture f/8, focale de 35mm, à main levée, même jour quasi même heure et sur le même boitier. A gauche, le 35-80mm f/4-5.6 (15 € en boutique) , à droite, le 28-105 USM (65 €, acheté le même jour, même lieu)
Cliquez sur la photo souhaitée pour la visualiser agrandie
Aucune correction n'a été appliquée sur les deux images, prises à main levée, sauf le 28-105 qui, parfaitement reconnu par l'appareil hôte doté de cette fonction, à vu son vignetage automatiquement corrigé.Il est par ailleurs également dans la base de donnée de Digital Photo Professional pour la distorsion et autres. Certes, une bonne focale fixe aurait sensiblement augmenté la qualité globale, mais là ou le 28-105 est agréablement bon pour son prix, le 35-80 n'a même plus cet argument pour lui. Toute plaisanterie mise à part, il reste un usage envisageable et crédible de cet objectif : c'est un un outil de premier choix pour les adeptes de rendus de type "photo povera" ou "nostalgia" . En pareil cas de figure, employez le sans retenue, il sera alors une alternative réelle aux divers objectifs "gadgets" volontairement limitants proposés par différents constructeurs et toujours hors de prix. Tous les ingrédients sont réunis : un manque d'homogeneîté sympathique, des aberrations diverses de "grande qualité" , un contraste dégradé et un vignetage explosif. Le tout avec une réelle facilité d'emploi, pour un tarif défiant toute concurrence (c'est à dire : ne devant pas exceder les 10 € pour un exemplaire parfait ! ), et un solide gain de temps en post-production. Hors de ce contexte, aucun interêt donc. Et comme pour enfoncer encore plus les clous du cercueuil, en cas d'achat, son poids plume le rend également impropre a être employé comme efficace presse-papier...
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